• Le saut

    Saut de Lune

    - La lune a disparu. Regarde, y avait encore un ptit bout hier. Elle est partie. Mâaammmân, elle est où?

    - La lune reviendra demain.

    - Tu es sûre ?

    - Oui.

    Un soir d'été, elle est revenue nous faire signe avec un nouvel embonpoint.  Avec mon rejeton Panasonic qui avait pris un peu d'âge et de sagesse, nous l' avons vue sauter (...après deux ou trois verres peut-être...). Nous avons passé la soirée à la regarder.

    Panasonic n'était pas vraiment étonné.

    Déformation d'instit, je crois que la lune m'a dit "assez bien".

    _ Ou parlait-elle à Panasonic ?

    Quoiqu'il en soit, j'ai pris ça pour un encouragement. J'ai arrêté la photo et j'ai poursuivi le fil de mes pensées, rassurée.

     

     


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  • La rentrée littéraire

    Sampsa raconta qu'on appelait écrivain les arrangeurs de lettres. Certaines personnes en faisaient leur métier.

    "Ce doit être un travail épouvantable", soupira Rutja respectueusement. Est-ce qu'on dispose vraiment les caractères un à un dans les livres ? Ne pourrait-on pas imaginer de prendre par exemple 100 000 u et de les mettre dans les livres d'un seul coup ? Puis autant de a, et ainsi de suite?

    Sampsa fit remarquer que chaque lettre devait être écrite individuellement, de manière à former des mots ayant un sens. il était donc impossible de rationaliser le travail de l'écrivain. Il était ce qu'il était, on n'y pouvait rien.

    "Heureusement, je suis un dieu et pas un écrivain", souffla Rutja soulagé.

    A. Paasilinna, Le fils du dieu de l'Orage

    Parfois, on aimerait être un dieu et ne pas avoir besoin de lire ni d'écrire.

    IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

    iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

     


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  • Colère de colle

    Les mains accrochées au bâton de colle. Il est rouge. C'est une colère d'école. Des mots, des maux, des mots. Et ces doigts qu'il faut apprendre à décrisper. "Il m'a dit des mots durs. Il m'a fait mal. Je le déteste", dans un spasme murmuré.

     Pour le travail scolaire, on attendra patiemment et avec une inquiétude dissimulée que la colère retombe. Juste une règle. On ne se fait pas mal. "Je ne veux pas que tu te fasses du mal."

     

    - "J'ai rien dit, j'te jure, maîtresse". Les mots fusent parfois plus vite que tu ne le voudrais, mais ils ne sont pas en ordre. Pas faire mal, ou juste un peu pour voir, pour se frotter à l'autre, pour lui dire: "Regarde, moi aussi je suis quelqu'un , j'existe!" Il n'y a aucune raison de s'excuser quand on n'a rien fait.

     Cet après-midi, la colère est retombée. Le tube de colle déchiqueté est à la poubelle. Le travail a repris dans le sourire.


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  • - Oh, un nez!

    - un faucon

    - une sorcière

    - un magicien

    - et tous ces gens, cette foule.

     

    Et là, sur le papier, aujourd'hui,  un bonhomme plus vraiment têtard, mais discontinu un gros ventre détaché puis tout en bas deux petits pieds; et qui a une mine effroyable, et qui fait froid dans le dos. Heureusement, tout en dessinant, l'enfant a trouvé ces deux petits pieds très amusants et nous avons ri de bon coeur. Mais je n'ai pas très envie de revoir ce dessin. Il raconte une histoire que je voudrais ne pas avoir entendue.

     


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  • Comment Magritte a réussi à étonner les enfants de l'hôpital :

    - Qu'est-ce que c'est ? (intonation la plus neutre possible mais lueur dans le regard)

    Magritte nous étonne et on adore

    - Oh, je connais, j'en ai déjà vu une !

    - Ca sert à fumer. Ca se fume.

    ATTENTION: ne nous méprenons pas, je n'ai pas décidé de faire l'apologie du tabac et sûrement pas aujourd'hui. Ce serait une faute professionnelle grave.

    1- nous sommes à l'hôpital  2- à la radio, on a annoncé que la lutte contre le tabac était renforcée grâce aux paquets neutres

    Donc après avoir rappelé aux enfants qu'il vaut mieux éviter de fumer (auréole de sainte au-dessus de la tête), nous nous attaquons à la reproduction affichée au tableau.

    "Elle est belle, maîtresse. Oh, c'est vous qui l'avez plastifiée ? "

    (Je me rengorge! Mes élèves voient mes petits efforts: c'est génial !)

    Enfin, nous n'en sommes toujours pas au vif du sujet.

    "- Je sais, maîtresse, ceci est une pipe.

    - Ah bon, tu en es sûr ?

    - Bah oui, c'est écrit... (puisque c'est écrit et en plus montré par la maîtresse au tableau, c'est officiellement vrai)

    - Oh, y a un problème. Y a écrit "n'est pas une pipe". N'importe quoi... Ils se sont trompés.

     Je précise que ce "ils" est en fait René Magritte qui veut nous obliger à nous questionner. Pourquoi a -t-il écrit ça?

    - C'est bête.

    - Bon, là, vous voyez, je la prends , qu'est-ce que c'est? (Je prends une paire de ciseaux sur la table.)

    - Une paire de ciseaux maîtresse !

    - Oui et avec je.... peux découper !  (Hourra,bravo, j'ai vraiment l'air idiote: mon auditoire a entre 9 et 13 ans.)

    - Une pipe : que pourrais je faire avec (de répréhensible bien sûr) ?

    - Fumer !

    - Et là, je peux?

    - Bah non, ahhhhh mais c'est ça maîtresse, c'est pas une vraie pipe, c'est pas l'objet: c'est un dessin!

    - Oui c'est une représentation. René Magritte nous pose la question de la représentation. Et du pouvoir des mots. Nommer, c'est dire le monde et le peindre aussi !

    Enthousiasme général .(NB : Nous sommes un tout petit groupe de 5 autour du tableau. Une de mes élèves régulières était quant à elle plus enthousiaste à cette heure-là à l'idée de faire des additions d'entraînement sur l'ordinateur, ce qu'elle fait en écoutant nos propos d'une oreille distraite... )

    A. s'exclame radieuse : "C'est génial, on pourra la faire aux autres. On va les piéger et ils vont apprendre quelque chose."

    On s'intéresse à L'empire des lumières. Nouveau débat.

    La conclusion de B. me réjouit : "Il nous pose plein de questions Magritte. Et des bonnes !"

    Merci Magritte ...

    Grâce à toi, mes élèves ont compris le pouvoir de manipulation de l'artiste et au passage celui  de l'enseignant. Au sens de "prendre par la main" bien sûr!

     

     


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