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    Ces deux derniers jours, j'ai expérimenté le travail avec un élève de FLS (Français langue seconde). J'en rêvais: vooilà c'est fait !!!

    Il est venu d'Egypte il y a 5 mois pour raisons de santé. Il s'accroche, à l'école, à l'hôpital. Il parle déjà assez bien le français grâce à son école d'accueil. Il progresse vite. On a travaillé avec des imagiers, des gestes, l'ordinateur, des fiches puisées sur le net, des documents de la classe et il a voulu qu'on colle tout le travail dans son grand  cahier de l'école. Il en est très fier. Il le serre et me le montre : "c'est le deuxième, regarde tout ce qu'il y a dedans".

    La Tour de Babel , Pierre Bruegel l'Ancien

    Dans la petite classe de l'hôpital, il a fait du calcul, a travaillé sur le nom, les déterminants un/une/des; le/la/les puis la négation ; les animaux:  les oiseaux et les mammifères à classer; il a appris le sens de vide/plein ou rempli, et de nombreux mots de vocabulaire qu'il fallait réutiliser  en manière de défi.

    Quelques rires, surtout quand on ne parvenait pas à se comprendre et qu'enfin, ça y était, le déclic avait eu lieu.

    Tout cela a contribué à créer une atmosphère particulière dans la classe avec plus d'échanges et un infini respect entre les élèves.

    Et comble de chance: aujourd'hui des flocons sont tombés: nous nous sommes couverts, nous avons vite ouvert la fenêtre et nous avons touché et senti les flocons dans nos mains. C'était magique de vivre ça avec lui et ses camarades tout aussi heureux !

    Echange linguistique

    Nous avons abandonné les travaux en cours pour chercher un thermomètre, regarder le site de la météo et faire un rappel sur les états de l'eau, l'eau dans les nuages...

    Maintenant je sais dire " je m'appelle ................." en arabe.


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  • Les menus plaisirs de la classe de pédiatrie se mêlent souvent à des douleurs.

    Cela soulève d'indéniables questions.

    Je pense  à une  fille très malade dont la famille a habité le désert, semble-t-il. La fillette est née en France. Elle doit subir deux interventions si lourdes qu'elles sont en discussions au sein des équipes médicales.

    Alors, avec J., nous avons abordé la question de l'accompagnement en fin de vie. Nous avons parlé de la réa et de toutes ses machines.

    Dans le désert

    Je suis tiraillée entre l'idée de la douleur soulagée par les médicaments et l'idée de l'amour d'une famille autour d'une enfant dans le désert, entre le soulagement de la souffrance physique et l'apaisement que les soins attentionnés, le chant, le massage pourraient apporter. Entre les lumières et le bruit inquiétants des machines et l'immensité d'un désespoir aussi grand peut-être que celui de la nature, plus résigné peut-être que celui face aux branchements.

    Plus douloureuse la connaissance du jour de la mort ou de la mort d'un proche.

     Celui des maux qui fait le plus frémir n’est rien pour nous, puisque tant que nous existons la mort n’est pas, et que quand la mort est là nous ne sommes plus. Epicure

    Je crois que je vais me remettre à la philosophie !

     « Quand on est jeune il ne faut pas hésiter à s’adonner à la philosophie, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser d’en poursuivre l’étude. Car personne ne peut soutenir qu’il est trop jeune ou trop vieux pour acquérir la santé de l’âme. » Epicure, Lettre à Ménécée

    Relire Montaigne et Epicure et découvrir Conche... Pourquoi pas ?

     


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  • Très vite, le métier m'extirpe des vacances et des émotions de la veille de rentrée où se mêlent légère appréhension et nostalgie du temps  qui s'étirait enfin ...

    Ca y est; le pied dans la classe, le regard encore tourné vers les  vacances, légère envie de reculer... puis déferlent les rires, les cris et les disputes des élèves de l'unité spécialisée dans les troubles des apprentissages. Bientôt, nous y sommes : des sourires et des bonjours échangés. Chaque retour est un départ rassuré de tout ce qui a été (parfois péniblement) posé, construit. Les élèves se remettent à l'oeuvre, se retrouvent et me retrouvent avec leurs angoisses devant les défis à relever.

    Rentrée(s)

    J'ai décidé de commencer par les rassurer. Nous reprenons le chemin des fractions qui s'était avéré très ardu la dernière semaine. Le chemin se dégage; l'exercice réconforte et individuellement, chacun se rend compte de ce qu'il sait déjà. Ouf ! Je me réjouis de ce bon départ.

    Il y a un élève en intégration cette semaine. Il nous découvre. Après les présentations et la mise au travail, R. d'un air docte et entendu décide de le rassurer: " Tu sais, ici, on est un peu fous ! " Je ris  spontanément. La classe est joyeuse. L'élève a compris qu'il s'agissait d'une blague. 

    Rentrée(s)

    Les récréations. Des disputes ont éclaté. Mais tout s'est réglé. A midi, de nouveau, disputes; mais cela s'apaise. T. sait désormais s'extraire du conflit lorsqu'il va exploser. En salle des maîtres, nous notons entre nous les progrès accomplis. La récréation de l'après-midi le met à mal : mais l'objet est lancé loin des autres, dans le vide et, au moment où il touche le sol, le visage de T. a une expression de grande contrariété.

    En classe, déçu, il s'effondre, puis  se lève en pleurant et va se planter debout, le regard fixe sur l'affiche avec les règles de vie illustrées. Il regagne sa place et me dit : "Je sais, j'ai joué à l'abruti, pour ne pas dire le mot de trois lettres, maîtresse."

    Rentrée(s)

     

     

     

     


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  • En pédiatrie, nous allons lancer notre insurrection poétique... j'espère qu'elle sera créatrice et heureuse. Une élève a commencé à préparer notre affiche. R. en CE1 a écrit un poème. La grande R., en 4ème, a recopié Le dormeur du val et réalise sa mise en page. J'ai un enregistreur en poche (merci maman ! ) ; si j'obtiens tous les accords nécessaires, une petite page pourrait être tissée sur la grande toile.

    Insurrection poétique et espoirs pour les prochaines semaines

    Citation de l'affiche : Vladimir Maïakovski, in Anthologie de la poésie russe, traduction de Katia Granoff, (c) Gallimard, 1926. 

    Création graphique : Florence Jacob

     

    L’aventure extraordinaire arrivée à Vladimir Maïakovski un été, à la campagne

    (à Pouchkino,  Mont Akoulov, datcha Roumiantsev, à 27 verstes de la gare de

    Iaroslav).

    De cent quarante soleils flambait le couchant,
    l’été roulait vers juillet,
    c’était la canicule
    et la canicule faisait la planche.
    C’était comme ça, à la datcha.
    La petite colline de Pouchkino
    poussait la bosse du mont Akoulov
    et en bas de la colline
    il y avait un village
    qui penchait l’écorce de ses toits.
    Et derrière le village
    il y avait un trou
    et dans le trou – parfaitement
    à chaque fois
    lentement et sûrement
    descendait le soleil,
    pour le lendemain
    à nouveau
    inonder le monde de rouge.
    Et, jour après jour,
    cela commençait
    sérieusement
    à m’énerver.
    Si bien qu’une fois, furieux,
    au point que tout autour a pâli,
    je me suis mis à crier
    à la cantonade, vers le soleil :
    « Descends donc !
    Suffit de traîner dans ta fournaise ! »
    J’ai crié au soleil :
    « Parasite !
    Tu te la coules douce dans tes nuages,
    pendant que moi – hiver comme été,
    je m’échine sur les affiches Rosta ! »
    J’ai crié au soleil :
    « Attends !
    écoute, front d’or,
    si au lieu
    de traîner sans rien faire
    tu venais
    prendre le thé chez moi ? »
    Qu’est-ce que j’avais fait !
    j’étais perdu !
    Vers chez moi
    de son plein gré,
    et du large pas de ses rayons,
    le soleil approchait par la campagne.
    Je ne veux pas montrer ma peur.
    je bats en retraite.
    Déjà ses yeux sont dans le jardin.
    Il le traverse.
    Par les fenêtres,
    par les portes,
    par toutes les fentes
    s’infiltre la masse du soleil.
    Puis il reprend son souffle
    et me dit d’une voix de basse :
    « C’est la première fois
    depuis la création
    que je rétracte mes rayons.
    Tu m’as appelé ?
    Apporte le thé,
    Poète, apporte les confitures ! »
    Il faisait si chaud,
    lui-même en avait la larme à l’œil.
    Mais me voilà
    avec le samovar.
    « Eh bien,
    Assieds-toi, l’astre ! »
    Diable, quelles impertinences
    suis-je en train de lui sortir.
    Confus,
    je m’assieds au coin du banc
    craignant le pire.
    Mais une étrange clarté
    ruisselle du soleil
    et, oubliant
    toute réserve,
    je reste là
    à bavarder
    de tout et de rien,
    de comment
    la Rosta me bouffe…
    Et le soleil :
    « Bon,
    te plains pas.
    Regarde les choses en face !
    Tu crois que pour moi
    c’est facile
    de briller ?
    Essaye un peu, pour voir
    Vas-y
    où tu veux
    et tu brilles
    tant que tu peux ! »
    Nous avons bavardé comme ça
    jusqu’à ce qu’il fasse noir.
    (Enfin, jusqu’à ce qui avant était la nuit).
    Tout à fait décontractés,
    à nous tutoyer.
    Bientôt, amicalement,
    je lui tape sur l’épaule.
    Et le soleil, de même :
    « Toi et moi
    camarade
    tous les deux
    éclairons
    et enchantons
    cette vieille guenille de monde.
    Moi, je déverse mon soleil,
    et toi le tien
    avec tes vers. »
    Le mur des ombres
    prison de la nuit
    a sauté face au double tir solaire.
    Remue-ménage de vers et de soleil,
    rayonne tant que tu peux !
    Si la nuit
    fatiguée
    cette dormeuse stupide
    veut se coucher,
    alors j’éclaire de toutes mes forces
    et à nouveau le jour carillonne.
    Luire toujours,
    luire partout
    jusqu’au tréfonds des jours,
    luire –
    un point c’est tout !
    Voilà notre mot d’ordre
    à moi
    et au soleil !

     1920

    trad.  Francis Combes (très belle traduction ...)


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  • La semaine dernière a été dense en projets, pour le meilleur ! Et quand les projets marchent, le reste du travail suit. Ça fait du bien.

    Le plafond et les murs de la classe ont commencé à se parer de poèmes copiés, illustrés ou inventés par les élèves. Des enregistrements ont aussi été réalisés. J'ai à cette occasion compris la démarche de certains "capteurs" ou "voleurs" de sons, de ceux qui se baladent avec un dictaphone dans la poche et saisissent les bruits. C'est fou ce qu'une voix et des sons peuvent dire d'une situation et d'un moment. Quand j'ai réécouté les poèmes lus par les élèves, j'avais l'impression d'avoir un trésor aussi grand si ce n'est plus grand que certains de leurs textes de rédaction dont la lecture me réjouit tant.

    Sinon, deux problèmes de maths ont été pris dans le tourbillon d'une folle farandole, dans le cadre de la semaine des maths. Je garderai l'idée suggérée par les CPC. Les élèves ont vraiment accroché.

    Enfin, l'éclipse que nous avons suivie sur le site du CNRS a été l'occasion de s'intéresser à divers phénomènes astronomiques. Nous avons fabriqué avec ma collègue un dispositif d'expérience qui a beaucoup plu aux élèves et aux soignants!

    L'air est plutôt à la gaité dans l'étage entier, et ce malgré certaines animosités maîtrisées entre 2-3 collègues.

    Il faut dire que le printemps, c'est la lutte pour la reproduction, d'où sans doute quelque ébullition. N'oublions pas que nous sommes des animaux !

    Eclipse, maths et poésie

     

     

     


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