• Il faut parfois savoir passer du coq à l'âne !

    Du coq à l'âne - Les musiciens de Brême

    Pour certains, c'est un mode de fonctionnement dans la vie ; professionnellement, ça devient presque un art (pas toujours aussi facile à mettre en oeuvre !) ; je m'explique:

    Quand les tensions, les angoisses de l'élève sont accumulées, quand ça ne va pas... quand il y des maux :

    - d'abord ne pas perdre le sens de l'humour (c'est vraiment l'arme la plus efficace, bien que pas toujours facile à dégainer ;  les émotions ne sont pas toujours aussi faciles à dompter... je l'avoue, mon sens de l'humour en prend un sérieux coup dans certains cas mais en se forçant un peu, on se rend compte que la petite note d'humour fait du bien à tout le monde, même à soi, alors qu'on n'y croyait même plus !)

    Pierre Desproges se moque de moi !

    - ensuite, ne pas hésiter à passer par un détour : les grandes autoroutes qui semblent dégagées peuvent effrayer, avec leur rigueur droite, leur refus de nature, leur asphalte sulfaté .

    Autoroute du soleil ?

    Alors un petit chemin de traverse... de temps en temps, pourquoi pas ? Parfois, il a bien plu. C'est la boue; la saison des pluies même. OUah, pourvu qu'on ne s'enlise pas..........

    Chemin zen ?

    Certes, il donne l'impression de perdre du temps, ce petit chemin, mais s'avère soudain l'idée du siècle quand  grâce à lui on aura évité la perte de contrôle  à pleine vitesse, celle qui mène droit à la catastrophe.

    Donc le petit chemin, ludique, ou artistique, comme une invitation à la pause (plaisir d'écouter une histoire, dessin, fabrication, construction, modelage qui l'air de rien va permettre d'embrayer sur la notion que je veux faire travailler...) 

    Jardin du musée Albert Kahn

     

    Et "hop" , bras dessus-bras dessous, nous avançons vers un but que nous faisons mine d'avoir oublié parce qu'il semblait inaccessible. Je chuchote, je fais des gestes lents, je théâtralise, je fais des mimiques (je ne peux pas m'en empêcher!). Nous voici donc cheminant. Je sais où je veux en venir. Mais je donne l'impression que rien ne presse. En réalité, dans ma tête, je sens un peu d'urgence, j'ai peur de ne pas y arriver moi aussi!!!! En me forçant à être apaisante, effet boomerang garanti, je suis apaisée, le climat est nettement détendu...on croit rêver.

     

    Mon but n°1 donc dans ces cas-là :  ZEN...

    Mon but n°2: redonner envie. ROCK N ROLL...

    Et dès que ça marche, dès que l'alchimie prend, nous regagnons le savoir scolaire, armés de courage et de curiosité. Je distille au passage des connaissances encyclopédiques, comme un détour, fait au hasard; je rebondis et ça devient rock'n roll. Le bon rock'n roll. Celui qui donne la pêche à tout le monde! Les stylos dansent sur les feuilles, les sourires ont éclairé les mines sombres, ça fait du bien d'apprendre !

     

    De l'art de rebondir : ma recette idéale: zen et rock'n roll

    Bon, mon rock a pris un peu la campagne, il est un peu country et c'est un aveu : j'adore Johnny Cash !

    Enfin, je suis soulagée; mission accomplie.

     

     


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  • La dernière période de l'année scolaire m'attend.

    Elle a commencé avec des retrouvailles plutôt joyeuses et avec un chagrin partagé vite, entre deux portes, avec une collègue de pédiatrie que je retrouve demain : un de ses élèves que j'ai accueilli quelques fois dans la classe est décédé pendant les vacances. D'un coup, je sens ce poids redouté d'amère injustice sur la poitrine.

    Stantari

    Je me concentre sur les réussites du retour : un très bel échange autour des livres du prix Korczak, avec des élèves investis, qui ont pris ce travail très au sérieux. Leur analyse est fine. Ils défendent leur livre favori en trouvant des arguments auxquels je n'avais pas toujours pensé. Texture du papier, double page facilitant la lecture des plus jeunes, jeux de matières, choix des couleurs. Ils sont sensibles à d'infimes détails , se mettent facilement à la place des plus petits. Ils parlent du livre Kore-No, en se rappelant qu'il peut aider à vaincre la peur de la nuit, du livre De quelle couleur est le vent ? , en appréciant la part de toucher  et de jeux de manipulation du livre, de son sujet profond aussi, qui peut permettre d'évoquer le handicap; de Frédéric qui enseigne que celui qui n'a pas l'air "dans le coup", qui n'a pas l'air de participer aux tâches collectives, saura au bon moment apporter sa part, celle du poète qui fait rêver; et de Si tu veux voir une baleine, comme d'une suite de conseils étranges et qui apprennent l'intérêt de l'attente.

    Leurs réflexions sont très justes, leurs échanges riches. La parole est écoutée, chacun veut défendre son point de vue mais parvient à entendre l'autre et même à changer d'avis ! Si tous les temps de classe pouvaient être semblables, quel rêve! Ou quel ennui?

    Ah, va , je ne m'ennuierai pas cette fois encore. Trois quarts d'heure à peine après ces échanges, une fois un exercice de maths achevé, voici L. qui boude car le poème en cours ne lui plaît plus: elle décrète que non, elle ne l'apprendra plus...Quelques scènes bien connues. Je garde mon cap ; je reste disponible pour aider. Et les autres, qui eux non plus, ne comprennent pas bien cette attitude. L. a besoin de s'affirmer, de se faire remarquer; elle est inquiète. Les autres ne perçoivent que son comportement opposant et tentent de la convaincre. Peine perdue. Elle m'en veut. Cela finira avec un petit mot dans le cahier pour attirer l'attention sur son malaise du jour et dans le bureau d'A. avec un petit rappel des règles de travail ici. Elle revient en classe, prend son plan de travail et cherche à finir le reste. J'abandonne ce poème avec elle pour aujourd'hui. Elle en récite un autre dont elle se souvient très bien. Elle s'est remise au travail, renoue l'échange. Effectivement, elle n'a pas réussi la poésie aujourd'hui parce qu'elle n'a pas essayé... Après les sciences, L. quitte la classe en me saluant. La prochaine fois, défi poésie, on le saura ce poème aussi !


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  • L. a appris le poème de la semaine dernière. Toute seule.

    Une surprise. Ça fait vraiment du bien. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de me dire: "Quelle chipie!", même si je sais que ce n'est pas du tout une histoire de chipie.

    Alors que nous faisions des jeux de mémorisation autour du nouveau poème de la semaine, elle se propose et, se met à réciter le poème de la semaine dernière en guettant ma réaction, puis enchaîne sur celui que nous sommes en train d'apprendre...

     

     

     


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  • Scènes douloureuses ce lundi à l'unité:

    U. arrive dans l'unité agité et triste; très vite énervé par tous. Il parvient à se contenir, se met au travail, participe à l'oral.

    10h: Récréation. De retour dans la classe, l'agitation a redoublé; une violente dispute a éclaté dans la cour avec une autre élève de la classe, M. U. ne peut plus se mettre au travail. Je calme les deux élèves. Tout a l'air de s'arranger.

    De Stael, Agrigente, 1954

    Puis à sa table, soudain face aux exercices (réussis) de tout à l'heure il dit : "De toute façon, tout ça, ça sert plus à rien, j' veux mourir". J'essaie de ne pas me décontenancer. Mais, ô combien est-ce dur. J'essaie de rassembler mes pensées, mon empathie et mes réflexes professionnels. Je lui dis que cela me fait de la peine d'entendre ça, que c'est injuste aussi; s'il tient ces propos, il sait que je ne pourrai pas garder cette confidence pour moi, que ça va m'inquiéter : Veux-tu en parler avec ta psychologue? Il refuse catégoriquement, me demande de ne rien dire sous peine de faire pleurer sa mère pour la énième fois.

    Je lui demande si pour l'instant, on se remet au travail; il accepte; on s'y remet.

    Je parviens à ramener tout le monde au calme et au travail.

    Several circles, Kandinsky

    Un petit garçon plus jeune que tous les autres est intégré cette semaine à l'essai dans notre classe. Il est plus petit et se montre assez agité, voire étonnamment provoquant vis à vis de ses  camarades. Il engendre une certaine nervosité chez quelques élèves. Quand l'enfant sera parti en séance de suivi médical, je serai obligée de faire un point avec eux pour les rassurer et bien leur rappeler qu'il est beaucoup plus jeune et qu'il faut lui laisser un peu de temps.

    Le créneau d'arts visuels est plutôt calme, en tout cas, nous l'avons bien encadré afin d'éviter tout débordement ! Les élèves sont assez tendus dans les classes de grands en ce moment. Nous sommes 3 adultes pour encadrer deux classes: ma collègue, le professeur d'arts visuels et moi.

    Après-midi et récréation: U. ne supporte pas ce moment et de nouveau cherche le conflit ouvert avec tout le monde. Après plusieurs rappels à l'ordre, je lui demande de venir en classe se calmer. Cette échappatoire fonctionne parfois. La récréation des autres s'en trouve alors allégée. Il refuse; s'enfuit; il est très mal. Après plusieurs tentatives en vain, il ne me reste plus beaucoup de solutions:

    - impossible de le convaincre, de le raisonner; de le changer d'idée: il est très énervé;

    - je me refuse aussi à crier, ou à le prendre par la main ou le bras. Le forcer, hors de question.

    J'appelle donc le directeur. Je suis sûre d'une chose depuis que je suis ici: nous ne sommes pas des superinstits; certaines situations sont très dures et nous ne sommes pas trop de deux pour nous épauler. Ce n'est pas une honte de reconnaître sa limite; c'est même salutaire et plus sain pour nos élèves et nous-mêmes.

    Chaud-froid

    Même scène de fuite avec le directeur. Après une attente de 3 longues minutes, U. a suivi le directeur jusqu'au préau mais refuse de le suivre dans son bureau. Il est assis, prostré.

    Je lui propose de l'accompagner et finis par lui dire qu'il nous connaît bien, qu'il sait aussi bien que nous avons besoin  de faire le point et que, de notre côté, nous ne baisserons pas les bras. Il attend. Il se lève, me regarde et hurle : "J' le fais pour t'faire plaisir" en courant vers la porte qu'il heurte violemment.

    De retour en classe, 30 minutes après, il s'empare d'un post-it, griffonne un mot qu'il colle sur son front : CON. Je lui dis en souriant que ce n'est pas vraiment le moment de jouer à" Devine-tête" et que je suis soulagée et heureuse de lui rappeler que dans ce jeu l'étiquette ne correspond jamais à celui qui la porte! Je lui dis que cette étiquette serait mieux à la poubelle. Il s'exécute. Et nous reprenons le travail.

    Ces scènes restent rares mais sont difficiles. D'autant plus que les situation familiales des uns et des autres sont souvent très douloureuses. Les souffrances de nos élèves se bousculent les unes les autres. Mon directeur me dit que c'est parce qu'ils ont une très grande confiance en nous qu'ils nous livrent tant de choses et que c'est l'endroit où ils se sentent le plus à même de le faire. Ma collègue et moi, nous trouvons cela assez éprouvant. Il est probable que cette fin d'année qui correspond à l'approche de leur départ de l'unité soit un temps très angoissant pour eux.

    Le directeur m'a dit mardi soir " Tu ne te rends pas compte mais U. a beaucoup évolué, et dans le bon sens depuis l'an dernier. Tu fais un travail formidable avec lui". Je suis repartie avec du baume au coeur. J'en avais vraiment vraiment besoin.

    Certains sentent bien l'état d'esprit de leur équipe et savent quand il faut encourager quelqu'un.

     

     


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  • En pédiatrie, certains jours, je retrouve des enfants que j'ai déjà rencontrés. Aujourd'hui, j'en ai revu plusieurs.

    M. entre dans la classe, accompagné de sa mère. Il est en 6ème. Je le reconnais mais impossible de me souvenir de son  nom. Je lui lance: "J'imagine que tu te souviens que tu es venu ici". Son visage s'éclaire. "Et te souviens -tu de mon nom ?" Il hésite. Sortons-le vite d'un début d'embarras. "Pour tout te dire, cela me rassure que tu ne t'en souviennes pas car je me souviens très bien de toi mais j'ai moi aussi oublié ton prénom: nous sommes à égalité !" Il prend la chaise tendue en souriant. La journée commence.

    Autres retrouvailles aujourd'hui aussi avec  S., une petite fille que j'ai accompagnée dans le travail scolaire durant plusieurs semaines. Je me rappelle qu'elle avait des moments de colère et des moments où elle baissait les bras mais surtout de son enthousiasme joyeux.

    Et c'est cet enthousiasme que j'ai retrouvé aujourd'hui:

    en sciences le matin,

    et sur la somme d'exercices à rattraper que l'école vient de lui faire parvenir.

    Elle est enchantée de me montrer son cahier. Elle minaude même. A la lecture dudit cahier, je fais semblant de ne pas voir la dernière page qu'elle avait à moitié remplie, sur laquelle une encre rouge avait écrit non terminé > grosse colère. L'événement a dû se produire peu de temps avant son retour à l'hôpital...

    S. travaille avec ardeur, n'hésite pas à demander des éclaircissements. Elle enchaîne les exercices à côté de moi. Lorsque je vois qu'elle a énormément avancé, je lui propose de compter le nombre d'exercices réalisés. Elle arrive à 9. Je lui dis en riant "Et un - Dix!" C'est une blague qu'elle prend à la lettre. Elle rayonne. "Eh oui, je fais celui-là, ça va faire 10!" Et elle se lance. Je suis admirative et contente de la voir si heureuse de relever ce défi.

     


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